Je ne l’avais pas prévu de cette façon, mais j’ai des poules de trois tailles différentes dans mon poulailler, ce qui est une mauvaise idée. Le poulailler a une cloison en grillage à poules du sol au plafond, au milieu. D’un côté se trouvent 40 pondeuses adultes, plus un beau coq Buff Orpington. Tout y est paisible, à l’exception d’un faible niveau constant de harcèlement sexuel. L’autre côté est destiné à l’élevage des poussins. On ne peut pas mettre les poussins avec les poulets adultes. Les gros picorent les petits. Donc, chaque année, lorsque les poussins d’un jour arrivent par avion, je les mets de l’autre côté de la cloison jusqu’à ce qu’ils soient assez grands pour se défendre. Le hic, c’est qu’une de mes poules australiennes noires est partie dans un coin et a fait éclore neuf poussins. Ils ont émergé trois semaines après l’arrivée des poussins achetés par correspondance. Leur mère les a protégés férocement pendant un mois, période pendant laquelle les poussins plus âgés étaient plus en danger pour elle que ses poussins ne l’étaient pour eux, ils ont élaboré un modèle de coexistence mutuelle et tout allait bien, jusqu’à ce que Mère Poule se lasse de ses fonctions et retourne au troupeau de ponte. Ils se cachent derrière les boîtes de nourriture et ne sortent que lorsqu’ils me voient. Ils s’agglutinent autour de mes pieds lorsque je dépose du grain pour eux. Pendant qu’ils mangent, je repousse les plus gros poussins, qui viennent picorer la nourriture des plus petits.
Les plus méchants pillards sont les plus grands
Les pilleurs les plus méchants sont les coqs rouges de Rhode Island. Je ne les ai pas commandés. Je ne commande que des poulettes, des bébés poules. Mais le couvoir jette souvent des poussins supplémentaires pour se réchauffer pendant l’expédition par avion. Ce sont toujours des mâles. Inutiles. Quand ils seront grands, ils s’entretueront. Je n’ai pas le cœur de leur faire la peau quand ils sont bébés, alors je les élève jusqu’à ce qu’ils commencent à se battre, puis je les mets au congélateur. Un jour de la semaine dernière, je remplissais ma mission de maintien de la paix, planant au-dessus des petits poussins qui mangeaient avec contentement et piaillaient gentiment. Soudain, trois coqs rouges leur ont sauté dessus. Avant d’avoir le temps d’y penser, j’ai crié aux voleurs : « arrêtez ça, bande de Serbes ! » Les Serbes ne sont pas intrinsèquement brutaux, seuls leur chef actuel et ses sbires le sont. Après tout, je suis là, dans le poulailler, à défendre noblement les poussins en partie parce que je ne supporte pas de les voir s’en prendre à eux, mais surtout parce que j’ai l’intention de manger les mâles et de voler les enfants à naître des femelles.
Quelle est la morale ici, la leçon, s’il y en a une, du Kosovo ?
Est-ce que les détenteurs du pouvoir sont trop susceptibles de ne voir que leurs motivations bienveillantes, alors que les sujets de ce pouvoir voient tout autre chose ? Est-ce que, pour paraphraser Abraham Maslow, si votre seul outil est un missile de croisière, tout ressemble à une cible ? Est-ce que ce sont les éons d’évolution du poulet à l’homme qui n’ont pas produit beaucoup de progrès ?
Je suppose qu’il est clair qu’il y a encore du coq pillard en nous, un certain instinct pour profiter des faibles, un plaisir considérable dans le pouvoir. D’un autre côté, je n’ai jamais vu un poulet fort essayer d’empêcher un autre de recourir à la violence ou un groupe de poulets organiser un abri et de la nourriture pour un autre. Bien que nous ayons été maladroits et égoïstes, cachant notre refus de supporter un risque réel derrière des armes inadaptées à la tâche, bien que nous ayons attendu beaucoup trop longtemps avant d’essayer de maîtriser les brutes des Balkans, au moins avons-nous enfin utilisé notre force pour mettre fin à l’abus de force. Même imparfaitement, l’évolution a produit en nous un sens moral et une capacité à apprendre. Je ne vois aucune preuve de ces deux qualités dans le poulailler.